vendredi 28 novembre 2014

La chanson d'Antioche














CHANT PREMIER 


 ARGUMENT.

 — Préambule du jongleur. — Exhortation à la croisade. — Pierre l'Hermite. - Son voyage au saint sépulcre. — Sa vision. — Son retour à Home. -Le Pape lui donne une armée à commander. — Noms des barons qui se joignent à lui. — Leur arrivée au puy de Civetot. — Corbaran d'Holiferne arrive à Nicée. — Préparatifs des Turcs. — Premiers succès des chrétiens. — Seconde bataille. — Soliman tue un prêtre officiant à l'autel. — Défaite des chrétiens, qui se rendent à Corbaran. — Partage des prisonniers. - Retour de Pierre l'ilermite à Rome. — Préparatifs d'une seconde croisade. — Concile de Clermont. — Noms des- principaux chefs.


I.

Seigneurs, faites silence; et que tout bruit cesse,
Si vous voulez entendre une glorieuse chanson.
Aucun jongleur ne vous en dira une meilleure :Il s'agit de la ville sainte et digne" de louanges
Où Dieu laissa son corps navrer et déchirer,

Et percer de la lance et élever sur la croix : Qui la veut nommer l'appelle Jérusalem.
Les nouveaux jongleurs qui chantent maintenant
En ont négligé le vrai commencement; Mais Graindor de Douai ne veut pas l'oublier;
Il vous en a renouvelé tous les vers.
Aujourd'hui vous pourrez entendre parler de Jérusalem Et de ceux qui allèrent adorer le sépulcre du Christ.
Comment ils firent assembler les armées de tous côtés; De France, de Berri et d'Auvergne,
De Pouille, de Calabre, jusqu'à Barlet-sur-Mer, Jusqu'au pays de Galles, ils demandèrent des renforts En maintes terres que je ne sais nommer. Nul homme n'entendit jamais parler d'un tel voyage.
Pour Dieu il leur fallut endurer maintes peines,
Soif, chaud et froidure; et veiller et jeûner.
Bien les dut le Seigneur tous récompenser Et recevoir leurs âmes dans sa gloire.


II. 

   Barons, écoutez-moi, et cessez vos querelles ! 
 Je vous dirai une très-belle chanson. 
 Qui de Jérusalem veut entendre parler Se rapproche de moi; pour Dieu je l'en conjure. 
 Je ne lui demande ni son palefroi, ni son destrier, Ni pelisse de vair ou de gris, ni un denier vaillant, A moins qu'il ne me le donne pour Dieu qui l'en récompensera. 
Je veux vous parler de la cité sainte. 
Vous dire comment les gentils barons que Dieu voulut bénir S'en allèrent outre-mer pour venger son injure. 
Pierre les emmena, dont Dieu fit son messager. 
La première armée supporta de grands désastres ; Tous moururent ou furent pris, sans trouver de refuge. 
Pierre seul échappa, et revint en arrière. 
Alors se trouvèrent réunis maints princes et maints nobles guerriers : Là fut Hugues le Grand et tous ses chevaliers, Tancrède et Bohémond le Sage, Et le duc Godefroy, si aimé de Dieu; Le duc de Normandie, les Normands, les Picards; Là fut Robert de Flandre et ses braves Flamands. 
Quand ils furent assemblés par delà Montpellier, L'histoire dit qu'on en compta bien cent mille. 
Ils prirent par force la ville de Nicée et son palais, Rohaix1 et Antioche aux nombreuses églises, , Puis Jérusalem, dont ils brisèrent les murs; Mais avant il leur fallut beaucoup jeuner et veiller, Supporter les pluies, les orages, la neige et la grêle. 
Ici commence la chanson où il y a tant à apprendre. 

  Édesse.


III.

  Que le Dieu qui à Béthanie ressuscita Lazare, Et qui livra pour nous son corps aux tourments, Octroie à tous ceux qui l'aiment et croient en lui Une véritable pénitence! et qu'il couvre de confusion Ceux qui croient et adorent l'imposteur Mahomet. 
Seigneurs, dans notre chanson il n'y a pas de fables, 
Mais la pure vérité et un saint enseignement. 
Ici commence l'histoire de l'expédition de Pierre, Comment il vint au sépulcre et y fit son oraison. Dieu lui apparut en songe et lui donna avis De retourner au royaume de France ; Muni de son divin scel pour être cru plus sûrement, De dire à son peuple de venir délivrer Ses très-saintes reliques que retiennent les mécréants ; Et d'aller le venger à cette condition, Que tous ceux qui y trouveraient la mort Obtiendraient la rémission de leurs péchés Et auraient leur habitation dans le Paradis céleste. Vous l'avez entendu conter en une autre chanson ; Mais elle n'était pas rimée comme celle-ci. 
Nous l'avons rimée de nouveau et mise en rimes sonores. 
A celui qui volontiers en entendra le chant, Dieu veuille octroyer la guérison de son âme Et la préserver de l'enfer, cette mauvaise demeure. 


 IV.

  Maintenant, seigneurs, écoutez ce que dit l'Ecriture : Vous devez vous souvenir du Dieu qui vous a faits.
Quand il vous eut créés, il vous mit dans un doux repos, Jamais vous n'eussiez eu de travail, si Adam n'eût péché.
Dieu envoya son Fils sur la terre pour vous tirer de l'enfer; Puis il livra son corps qu'on attacha à la croix ; Nul de Pilate ni des Juifs qui ne lui fit injure !
Puis il nous aima tant qu'il nous donna son nom : Chrétien vient du nom de Christ.Puisque nous croyons qu'il a souffert la mort pour nous, Il serait juste que nous nous le rappelions ici, Que les chrétiens prissent la croix pour lui, Et qu'ils l'aillent venger du peuple de l'Antechrist, Qui ne croit pas en lui, ne le sert ni ne lui obéit; Qui, autant qu'il le peut, méprise ses commandements, Pour ce, il serait bien juste de le confondre Et de les chasser de la terre, sans en laisser un seul; Et Jésus rendrait à nos âmes une abondance de grâces.


Lire la suite....   http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6434400m/f37.image 



Composée au XIIe siècle par Richard le Pèlerin ; renouvelée par Graindor de Douai au XIIIe siècle ; publiée par M. Paulin Paris ; traduite par la Mise de Sainte-Aulaire


http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Chanson_d%27Antioche


http://www.medievalenfrance.com/site/auteurs/affauteur.php?nom=richardlepelerin













Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire